Un titre inspiré du livre hilarant de Roy Lewis (pourquoi j'ai mangé mon père), pour un événement qui le fut beaucoup moins...
Samedi 21 septembre, 18h, Déco de Planfait.
Je suis monté ce matin jusqu'au col des Frêtes, au départ de Perroix à Talloires, pendant que les filles faisait leur stage de pilotage. Un très beau vol, précédé d'une rando raide sur la fin et de 3h d'attente au col, en attendant que les nuages veuillent bien dégager de devant. Après un après midi à regarder les tangages et autres asymétriques, je pars pour un dernier vol du soir. Monté en stop au déco pour éviter la récup de la voiture, je rejoins la moquette alors que le vent est tombé, voire très léger arrière. Je prépare la voile sur le terre-plein prévu à cet effet, m'accroche dans la sellette, met la voile en boule et m'approche de la zone de déco.
Deux pilotes étrangers trainent un peu. L'un part et rate son gonflage. Je m'insère et étale ma voile vite fait, tout en restant dans ma sellete. Pas facile mais on y arrive. Dos à la voile, avants en main, je pulse comme un gros bourrin pour dégager et laisser la place, jette un oeil rapide à la voile, et accélère.
A peine en l'air, quelque chose cloche... Ca part à gauche et ça vole très mal. Je contre mais pas trop. Pas efficace. Les arbres approchent. Je relève les fesses mais c'est insuffisant. Plongé dans la ramure jusqu'au bassin, je suis stoppé net. La voile coiffe les arbres et je tombe, vite arrêté par les branches et les suspentes. Bordel de merde ! J'y suis jusqu'au cou... Rien de cassé mais en fâcheuse posture ! Je remonte m'installer à califourchon sur une branche, pour détendre les suspentes et être plus confortable. Quel con !
Un gars arrive en dessous :"ça va ?". Ok, tout va bien. Il m'invite à descendre, me demande s'il faut appeler les secours. Vaut mieux pas tenter la descente : à 12m avec un tronc lisse et plein de mousse, une chance sur deux que je m'écrase au sol. J'ai retenu les leçons de parapente mag : rester accroché, embrasser l'arbre et attendre les secours. Je fourre le vario dans ma poche et regarde en arrière. Tiens, c'est quoi cette suspente violette à gauche qui part en bas quand les autres vont vers le haut ? Et l'accélérateur qui passe par dessus ? Ok, j'ai tout compris : l'accélérateur est passé par dessus une suspente C pendant que j'étalais sommairement la voile ; je n'ai rien vu en me retournant et le bourrinage qui m'a conduit à décoller m'a permis de me retrouver en l'air avec une énorme "clé" : une suspente C coincée au niveau de la sellette, c'est sûr que ça pouvait pas filer droit... Espèce de gros naze, et ta prévol ?
Je regarde la voile. Comment faire pour la récupérer ? C'est sûr que je pourrai pas voler dans les semaines à venir... Merde, et le voyage au Portugal ? Quel con ! L'hélico arrive au bout de trois quart d'heure et dépose deux gendarmes au bout d'un filin. Ils s'équipent et l'un d'eux vient poser un relais à coté de moi. Eh gars, tu n'as pas le kit de secours préconisé par la fédé ? Avec une cordelette, on évitait de grimper et tu récupérais la corde. Ben non, j'ai pas le kit... Désolé de vous déranger, les gars ! Reprise de la sellette sur les maillons et descente en moulinette. Ta voile, tu te débrouilleras, il y a des pros qui font ça. Ok, je comprends. C'est déjà super de m'avoir descendu. Encore désolé. Quel con je suis !
Je remercie les gendarmes et le gars qui a appelé les secours et patienté au pied de l'arbre jusqu'à ma descente, puis remonte au déco. Il fait bientôt nuit et la voiture est en bas. Sac au dos, je pars en courant sur le sentier. Je fais bien gaffe où je mets les pieds : ce serait trop con de les rappeler pour une chute dans les bois. Mais la nuit arrive vite sous les arbres et il faut aller vite. Enfin, je croise les filles à 20h à l'atterro de Perroix. Mon sac est maigre dans mon dos. Elle est où, ta voile ? Là haut, dans les arbres... Grise mine !
Marion me parle de Marsupilacime, des gars qui récupère les voiles dans les arbres. On cherche le numéro sur internet. Personne au bout du fil, juste un répondeur. Un diner à Talloires pour fêter la 1ère journée de SIV et au lit. Dimanche matin, p'tit Pierre aux passagers du vent me file le numéro de Benoît. il répond aussitôt. Rendez-vous est pris à 9h15 au déco. J'y monte dès 8h car Marion m'a parlé de voiles qui se volent, même dans les arbres. Le pick-up arrive, Benoit se prépare. Il grimpe au sapin, dégage une partie de la voile en coupant un minimum de branche, fait l'écureuil pour sauter sur le feuillu à coté, rassemble le parapente et le fourre dans son sac. 45mn montre en main pour revenir au sol avec la voile intacte ! Chapeau, l'ami. Et bravo, là, je suis bluffé. Après cet effort, il arrive encore à me faire tirer la langue en remontant au déco. T'auras juste à enlever quelques feuilles des caissons et faire sècher ta voile, tout a l'air ok...
Atterro de Talloires. J'étale mon ozone mouillée par la rosée. Je démèle l'écheveau de suspentes. J'inspecte chaque suspente et vide les caissons des feuilles et bouts de branche. Après séchage, je réalise plusieurs gonflages pour vérifier l'ensemble. La voile monte normalement, pas d'anomalie apparente. Je prend la navette et monte au col de la Forclaz. Préparation méticuleuse de la voile, gonflage face à l'aile pour tout vérifier avant de décoller, et envol au dessus du lac. Un vol paisible. L'aile est impeccable. Aucun pli anormal. Comportement sain. Je pose, plie et rejoins les filles à Doussard. Là haut, le thermique s'est installé. Moi je reste au bord de l'eau. Je ne ferai pas le vol de trop ce soir !
Moralité :
- La prévol, la prévol, la prévol ! Prend ton temps avant : après, c'est trop tard...
- Achète le kit de sécurité : t'emmerderas moins les secours qui viendront te tirer d'affaire
- Mémorise le numéro de Canopée Verticale / Marsupilacime dans ton téléphone portable : des pros qui peuvent t'aider.
- Pense à t'équiper d'un secours : si les arbres ne t'avaient pas arrêté, quelle aurait été la suite ? Je ne préfère pas le savoir...
Christophe.